vendredi 16 juin 2017

GUERRE ET PROSTITUTION


L'association de ces deux termes, peut poser la question de la nature du projet artistique surtout dans un blog axé sur l'effacement.
Cependant par delà la séduction vulgaire du spectaculaire on ne peut nier les accointances entre ces trois termes de la proposition.
Hormis les abolitionnistes qui veulent faire disparaître totalement la destruction physique des corps produite par la guerre ou la disparition du libre arbitre lors de la vente ou location de ce même corps dans la prostitution, il y a plutôt une volonté d'occultation généralisée.
Les militaires sont toujours là pour défendre, jamais pour attaquer. Et si d'aventure c'était le cas il est bien connu que la meilleure défense c'est l'attaque. C'est certes triste et désagréable mais le job doit être fait. De préférence loin de la métropole. Une fois celui-ci terminé la grande muette redevient la grande invisible en rentrant dans ses casernes. Dont elle ne sort, voix forte et sourires égrillards, que pour aller au bordel. Là où on invisibilise les corps des péripatéticiennes qui ne déambulent plus qu'entre les doigts fébriles des clients. Certes en France les maisons closes l'ont effectivement été mais le sort réservé dans la rue, par la police ou par les riverains excédés, pousse ce commerce à l'obscurité et à la honte.
De la même façon que l'armée se serait transformée en un corps de joyeux scouts s'ébrouant dans l'humanitaire, ou patientant sous le casque bleu, veillant au maintient de la paix, les corps prostitués sont devenus de respectables travailleurs du sexe, brulant de quitter l’asphalte pour la fraicheur des maisons ouvertes, nouvelles usines à sexe. De l'usine à la caserne et de l'usine au bordel cachez-moi toute cette chair que je ne saurais voir.
Cependant la chair fascine, la peau est charismatique, parfois christique. L'ouvrier en sueur les bras écartés sur la croix de la machine, le soldat en larmes les bras tendus vers son camarade agonisant ou la pute transpirant les jambes écartées par les coups de hanche du client sont d'éternels frères ou sœurs du corps à demi nu et crucifié qui fait tant fantasmer les rares paroissiens et paroissiennes qui se cachent dans la fraicheur des églises.
L'art a pour mission, depuis longtemps acceptée, de montrer, de ne pas se coucher devant l'illusion que voudrait imposer la réalité. Comme pour voir les valeurs et rechercher l'ombre le peintre entre-ferme les yeux restera il sur la toile une trace de cette ombre fugace.
La séduction peut transparaitre.

jeudi 18 juin 2015

L'armée du Crime




 Un petit texte de Silien Larios sur le film de Guédiguian.
Un homage en relation aux portraits des membres du Groupe Manoukian exposés chez Madeleine.

Robert Guédiguian vient de réussir avec  L'armée du crime un film en tout point sublime...Il a réussit la gageure de  faire une exaltation des engagements politiques  d'une vie  sans sombrer  dans la célébration pompeuse...Ce qui peut nous renvoyer aux  engagements de chacun, ou à notre époque certains voudraient que le militantisme et  certaines idées ne soient plus de mise... Il prend le
 contre pied d’un chef d'œuvre du cinéma sur la résistance et  ainsi échappe à la comparaison... La ou Jean Pierre  Melville dans l'Armée des ombres évoquait ses souvenirs  avec son style épuré ... Epure funèbre comme écrivait Télérama... Robert Guédiguian sans approcher le génie  melvillien, choisit le parti de la vie comme dit l'un de ses héros...
Rarement on aura vue une troupe d'acteurs s'impliquer  avec autant de  chaleur dans un projet et le communiqué à l'écran.... Il est vrai que le cinéaste de part ses origines et ses  conviction politiques tenait la le film de sa vie... La  réussite est là, en commençant par  la reconstitution de  l'époque... Pour cela il n'utilise pas seulement l'image  mais également le son... Pour faire parler l'émotion ou les souvenirs du spectateur... Ainsi  les pires exactions  de l'occupation sont rythmées par des chansons joyeuses chantées par Charles Trenet ou Maurice  Chevallier... Par les commentaires racistes qui étaient  débités  par les radios... Cela démontre la relative  indifférence des français au début de l'occupation pour ne  pas dire leur adhésion au régime de Vichy... Il ne faut  pas oublier que Bagatelles pour un massacre  que l'on voit  exploser  dans une librairie collabo où l'un des  héros du film a glissé une bombe cachée dans Le capital  de Marx ainsi que les autres pamphlets antisémites de Louis Ferdinand Céline, un des plus grands  écrivains du siècle passé... furent des best sellers...Dans cette librairie,  on voit également exposer d'autres écrivains qui  adhérèrent à la collaboration comme Lucien Rebatet et  son ouvrage Les décombres  ainsi que le Gilles de Pierre  Drieu la Rochelle qui ironie du sort dans son journal de  guerre voyant très vite la défaite de l'Allemagne se met à souhaiter  la victoire des staliniens face à la prédominance américaine qu'il voit arriver... Si  ces  écrivains- là avaient trempé  plus ou moins dans la  collaboration...Des écrivains de gauche comme Jean Paul Sartre , Jacques Prévert... faisaient leurs  4  repas par  jour... Sans se soucier de ce qui se passait autour  d'eux...  Continuant d'aller  aux sports d'hiver  pour l'un... Travaillant un scénario sur  le Moyen Age pour l’autre...
Il donne également une dimension  politique à son film de par sa démonstration que les rafles anti juive furent orchestrés uniquement par la  police française... Les dénonciations furent le  fruit de la population française...N'échappent pas également  aux  critiques du cinéaste... Les préoccupations des  dirigeants communistes, avant l'invasion de l'URSS  ils s'étaient bien gardés d’appeler à la résistance... Guédiguian  montre la différence qu'il y a toujours eu entre la totalité des dirigeants de partis. A toutes  époques, ils pensent d’abord à  leurs  intérêts d'appareil en se moquant de ce qui pourrait  arriver à leurs base... Les aspirations de  la base sont du parti de la vie comme dirait Balzac... Tout cela  renvoie  à  toutes les trahisons qui ont suivie ou  précédé...
Deux petits exemples l'attitude des Staliniens  en Espagne qui n'hésitèrent pas à liquider les anarchistes....Et que dire de leur attitude à la  Libération où  ils collaborent ouvertement avec la
 bourgeoisie en faisant par l'intermédiaire de la CGT , les  garde- chiourmes dans les usines pour faire redémarrer   l'économie française... Célèbre phrase de Thorez le Staline français de l'époque:        Avant de servir la soupe, il faut  remplir la marmite ...Ce qui n'empêcha pas une grève  ouvrière en  1947 chez Renault faisant tomber son  ministère...
Pour finir, face a la barbarie ambiante... L'opposition se sont les immigrés du film qui la porte : Opposition de  la vie... Face à la police de l'état français au service des  allemands... Face a leurs dirigeants... Face à une  grande partie de la population française ... Ces militants  nous renvoient comme un miroir, à notre époque... Ne doit -on pas s'interroger sur notre opposition de la vie  face  à tout se qui se passe autour de nous... Alors que les  idées ambiantes poussent au chacun pour soi  quand ce n'est  pas à la délation pure et simple... Ce film est un bol d'air  montrant ce que des hommes et des femmes  qui  étaient des parias, ont fait seul face à
 la barbarie......

Silien Larios