dimanche 24 janvier 2021

Une herméneutique du regard. Texte de Pascal Giraud pour l'exposition de Georges Francoet Frederic Furgol "Si vous n'aimez pas."

 


 



C’est la mer et la montagne, à ce que nous disent les deux artistes. L’un peintre, l’autre photographe.. Ce sont des marques, des signes, des traits et des couleurs que nous, regardeurs ,  percevons sur la toile ou le papier photographique. Certes les photo semblent plus explicites que les toiles.
Fred Furgol nous dit que c’est la mer mais nous ne sommes pas obligés de le croire, de souscrire à ses choix . Parmi les ressemblances qui nous sont proposées on peut préférer l’horizon, le ciel, ou même le minuscule voilier qui s’invite en contrepoint de la lune égarée dans un autre tirage.
Fred Furgol continue ainsi de jouer avec le langage et d’appeler mer, ce qui est aussi un groupe de nuages, ou une spirale d’écume.
 Certes les photos ont été toutes prises du même angle face à la mer, en Corse. Concédons lui cette certitude. Cette signature. Comme celle de la toile qui fait dire, « c’est un Picasso », et pas seulement, « c’est un portrait ».
La mer s’est imposée à la ligne, à la couleur, à la lumière, pour une éphémère victoire sur laquelle nous reviendrons après un détour par le Portugal et le parc naturel de Serra d’Aire, d’ou Georges Franco a peint le même versant du massif montagneux en plusieurs version. Soit in situ, soit d’après des photo qu’il a lui même prises.
 Pour parler un peu technique le paysage est d’abord réalisé à l’aquarelle de manière assez classique, dans un strict respect des canons du figuratif. Il est ensuite difficile de juger de la qualité de celui ci car il est repris , enfoui sous de multiples couches de peinture à l’huile mixable à l’eau. La fragilité des transparences disparait dans l’opacité d’une pâte d’épaisseur variable, mais gloutonne.
Reste la parole du peintre. Le mot montagne. Un alphabet imagé au travers duquel ce qui fut persiste à être. Un rocher, un contrefort, un mamelon, un maquis, un fouillis de vert anciennement buisson, un pin ou un cyprès.
A moins que les circonvolutions ne soient celles du ciel et des nues.
Similitude des deux représentations, traits communs à la photo et à la toile cette indécision du sens , rejet du vocable imposé.
Ces toiles et photos fragmentaires méritent une exégèse.
Il faut fouiller armé de son regard comme seul outil excavateur, discerner les traces de ce que vous aimez…ou n’aimez pas.
Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne peut être inclinez vous plutôt vers le ciel, adopterez vous les cumulus, vous plairez vous sous la lune.

Pascal Giraud







mardi 6 mars 2018

SPARTAKUS

 Une alternative.
Qui crucifier? La question peut sembler incongrue mais au su de la réponse classique pas tant que ça. Finalement des milliers sinon des centaines de milliers de personnes subirent ce châtiment. Si ces bois de souffrance ont acquis le statut de symbole peu de crucifiés laissèrent leur nom à la postérité. Et à la peinture forcément. Spartakus pourrait être l'un d'eux. Une bien belle libération pour le peintre esclave du sujet.



lundi 18 septembre 2017

EXPO:His Story stories à Bethanien Berlin





 
J'ai commencé ce travail sur la « grande muette » comme on appelle l'armée en France il y a quelques années. A l'époque hormis les soldats du plan Vigipirate on voyait peut de militaires dans les rues françaises. Elle était aussi la « grande invisible » alors que son budget et son rôle dans l'économie de la France sont primordiaux. De la même façon elle avait quasiment disparu comme sujet artistique. Alors que jusqu'à la moitié du XXeme siècle elle était absolument présente dans toutes les formes d'art, que sa représentation soit positive ou négative, progressivement elle quitta les cimaises pour ne plus prendre place que dans les journaux et les médias, quand l'actualité y faisait référence.
La faire envahir les rues, artistiquement,et lui rendre cette visibilité fut ma première intention.
En collant des peintures originales je voulais démontrer que la démarche n'était pas liée uniquement à un engagement politique, ou à une démonstration. Il fallait que le geste pictural soit évident. Il ne suffisait pas de coller des photos ou des reproductions , trop connotées journalisme et distanciation.
Ce qui était collé devait être un objet unique comme chaque soldat est un individu à part entière.
Je n'avais pas anticipé que la réaction de la rue serait aussi rapide et radicale. Tout objet laissé au contact libre du public finit par subir une altération , celle ci je l'attendais. Que les peintures soient déchirées et lacérées dés le premier matin, parfois la colle de la nuit a peine sèche, m'a surpris. Mais a aussi ajouté une dimension ludique. Lequel allait tenir le plus longtemps ? disparaît il totalement ? Que resterait il de lui au mur et au sol ? Quelle histoire raconterait il ?




L'avantage de cette destruction rapide est que je pus en récupérer facilement les restes. Et reconstruire une image.
Que le regardeur veuille renvoyer à l'invisibilité ce qu'il voit est une démonstration que la chose était bien visible. Et que le geste du peintre est poursuivi par la main de l'iconoclaste créateur.

samedi 2 septembre 2017





Sous une image se trouve toujours une autre image. Il suffit de fermer les yeux à demi, ou de se laisser du temps, pour qu’elle apparaisse par transparence. Sous cette seconde image se trouve une autre image ; sous cette image se trouve une autre image ; sous cette autre image se trouve une image… La porosité des images transcende l’espace. Elles se contaminent les unes les autres au travers de la durée, des minutes et des siècles. Sans tenir compte des distances et des continents, pour peu qu’une abeille curieuse (ou menée par des intérêts socio-économiques exclusifs) ait accompli ici et là son œuvre de pollinisation involontaire, les images fécondées donnent naissance à des formes qui n’en garderont pas moins en mémoire certaines caractéristiques de leurs ancêtres, connus ou inconnus. Naturellement, ces caractéristiques participeront de leur destin…

Michel Carmantrand
traduction Roland Baumann

site : www.hisstorystories.blogspot.com

vendredi 16 juin 2017

GUERRE ET PROSTITUTION


L'association de ces deux termes, peut poser la question de la nature du projet artistique surtout dans un blog axé sur l'effacement.
Cependant par delà la séduction vulgaire du spectaculaire on ne peut nier les accointances entre ces trois termes de la proposition.
Hormis les abolitionnistes qui veulent faire disparaître totalement la destruction physique des corps produite par la guerre ou la disparition du libre arbitre lors de la vente ou location de ce même corps dans la prostitution, il y a plutôt une volonté d'occultation généralisée.
Les militaires sont toujours là pour défendre, jamais pour attaquer. Et si d'aventure c'était le cas il est bien connu que la meilleure défense c'est l'attaque. C'est certes triste et désagréable mais le job doit être fait. De préférence loin de la métropole. Une fois celui-ci terminé la grande muette redevient la grande invisible en rentrant dans ses casernes. Dont elle ne sort, voix forte et sourires égrillards, que pour aller au bordel. Là où on invisibilise les corps des péripatéticiennes qui ne déambulent plus qu'entre les doigts fébriles des clients. Certes en France les maisons closes l'ont effectivement été mais le sort réservé dans la rue, par la police ou par les riverains excédés, pousse ce commerce à l'obscurité et à la honte.
De la même façon que l'armée se serait transformée en un corps de joyeux scouts s'ébrouant dans l'humanitaire, ou patientant sous le casque bleu, veillant au maintient de la paix, les corps prostitués sont devenus de respectables travailleurs du sexe, brulant de quitter l’asphalte pour la fraicheur des maisons ouvertes, nouvelles usines à sexe. De l'usine à la caserne et de l'usine au bordel cachez-moi toute cette chair que je ne saurais voir.
Cependant la chair fascine, la peau est charismatique, parfois christique. L'ouvrier en sueur les bras écartés sur la croix de la machine, le soldat en larmes les bras tendus vers son camarade agonisant ou la pute transpirant les jambes écartées par les coups de hanche du client sont d'éternels frères ou sœurs du corps à demi nu et crucifié qui fait tant fantasmer les rares paroissiens et paroissiennes qui se cachent dans la fraicheur des églises.
L'art a pour mission, depuis longtemps acceptée, de montrer, de ne pas se coucher devant l'illusion que voudrait imposer la réalité. Comme pour voir les valeurs et rechercher l'ombre le peintre entre-ferme les yeux restera il sur la toile une trace de cette ombre fugace.
La séduction peut transparaitre.